Testament : trois formes reconnues, mille façons de se tromper

À l’ouverture du tiroir, ils sont tombés sur une feuille pliée en quatre, jaunie par le temps. Une écriture hésitante, datée de 2006, et au bas de la page, une signature. C’était un testament. Il ne correspondait pas du tout à ce que les enfants croyaient savoir de la volonté de leur mère. Que faire ? En droit suisse, une telle découverte peut tout changer… ou ne rien valoir.

La rédaction d’un testament est une étape clé dans l’organisation de sa succession. En Suisse, trois formes sont reconnues. Le testament public, rédigé devant notaire et témoins, offre la sécurité la plus élevée : la volonté est reçue et conservée officiellement. Le testament olographe séduit par sa simplicité et son coût nul, mais il doit être entièrement écrit à la main, daté et signé ; une erreur formelle peut l’invalider. Enfin, le testament oral reste exceptionnel, admis seulement en cas d’urgence, par exemple face à un danger de mort, devant deux témoins qui doivent ensuite en informer rapidement l’autorité.

Chacune de ces formes obéit à des règles strictes. Un manquement, même minime, peut entraîner la nullité. Dans une affaire récente, le Tribunal fédéral a annulé un testament manuscrit non signé, bien que le nom du testateur figure sur l’enveloppe. En l’absence de signature conforme, l’acte est nul. La volonté seule ne suffit pas.

Le testament est un acte unilatéral : il peut être révoqué ou modifié en tout temps, tant que le testateur est capable de discernement. En cas de testaments multiples, c’est en principe le dernier document valide qui prévaut, sauf s’il ressort clairement qu’il ne constitue qu’un complément au précédent.

Dans ce contexte, attention aux idées reçues : un testament rédigé sur ordinateur, signé numériquement ou conservé en ligne n’a aujourd’hui aucune valeur légale. Sa validité dépend de la forme : pour être intégré dans la succession, il doit respecter le Code civil. Les souhaits exprimés en dehors d’un testament valable ne sont pas contraignants. Des solutions numériques, comme les générateurs de testaments en ligne utilisant l’intelligence artificielle, se développent en Suisse : ils simplifient la rédaction, mais le document doit toujours être recopié à la main et signé pour être valable. Un projet de réforme envisage d’autoriser, à l’avenir, des vidéos enregistrées en cas de circonstances exceptionnelles. Les avancées technologiques sont donc prises en compte, mais la législation reste prudente et avance par étapes dans la reconnaissance des testaments établis par des moyens modernes.

Rédiger un testament, c’est sécuriser ses volontés. Cela mérite attention, relecture… et parfois un conseil professionnel. Car si une feuille manuscrite oubliée dans un tiroir peut bouleverser une succession, encore faut-il qu’elle respecte les exigences du formalisme… sans quoi elle n’aura, juridiquement, aucune portée.

Renata Pospisil
Wealth Planner
chez Bordier & Cie Nyon